Tuesday 20 August 2013

Translation of an article from the New Zealand Herald

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Lettre ouverte au Premier Ministre.

Traduit de l'anglais .La lettre originale, parue dans le New Zealand Herald du  20/8/2013 est ici:
http://www.nzherald.co.nz/opinion/news/article.cfm?c_id=466&objectid=11111371


Cher Mr Key[1],
Le 22 août 2007, dans votre discours au Club National de la Presse, voici ce que vous disiez sur sujet du projet de loi sur le financement électoral:  
"Je crois fermement qu’on a le régime  démocratique pour lequel on est prêt à se battre.
"En Nouvelle Zélande nous avons tendance à tenir pour acquise la liberté démocratique dont nous jouissons. Nous pensons de cette liberté que rien, jamais , ne peut la menacer. Après tout, notre Charte des Droits est là pour protéger notre droit d’expression. Pourquoi les choses tourneraient-elles mal ?
"Je ne suis pas de cet avis. De même que Thomas Jefferson je crois que la liberté vient au prix d’une vigilance sans répit. Nous ne pouvons et ne devons pas tenir notre liberté démocratique pour acquise.  
"Parce qu’en réalité, ce n’est pas notre Charte des Droits qui protège nos droits. Ce n’est pas non plus un avocat de la Couronne ou un officiel du Ministère de la Justice. En fait, cette protection ne dépend pas du tout du gouvernement.  
"C’est à nous, les citoyens de Nouvelle Zélande, qu’incombe la protection de nos droits. Parfois il nous faut prendre la défense de nos droits, et de ceux de nos voisins et amis, et également de ceux avec qui nous sommes en total désaccord, ou bien risquer de voir ces droits s’éroder.” 
'La Ruche', le parlement néozélandais , vous surveille.

Vous souvenez-vous avoir prononcé ces mots imbus de principes et de sagesse? Que s’est-il passé depuis ? 
D’abord, vous avez fait passer plusieurs lois qui dénient aux citoyens le droit de demander réparation à la Justice  lorsqu’ils estiment avoir été traités injustement par la loi. Par exemple l’amendement modifiant la loi sur la Santé Publique et les Handicaps, et la législation interdisant de faire appel aux jugements des tribunaux traitant des affaires pénales ou environnementales pour tout ce qui a trait à la remise sur pied de Christchurch, après les séismes.  

Deuxièmement, il existe un certain nombre de cas de nouvelles législations qui permettent à l’exécutif de changer des lois à coup de règlementations, sans avoir à passer par le processus parlementaire. Apparemment, il s’agit d’un moyen pratique de faire aller les choses plus vite et de permettre à la législation d’être facilement modifiée quand cela est jugé nécessaire ; mais un processus législatif qui contourne le Parlement contourne également le processus démocratique. Et que devient la philosophie de Thomas Jefferson dans tout cela? 
Troisièmement, la fréquence avec laquelle le Gouvernement a fait passer des lois sous urgence a augmenté de façon inquiétante. Encore une fois, on peut y voir une attitude pragmatique soucieuse de faire " avancer les choses ", mais l’urgence compromet les débats et dans bien des cas empêche  l’examen par des comités restreints, ce qui affaiblit la protection de la démocratie. 
Maintenant c’est le projet de loi sur la Capacité d’Interception des Télécommunications et Sécurité (connue sous le nom de « GCSB ») que vous cherchez à faire passer. Une loi qui permettrait au GCSB[2], une agence qui n’est responsable que devant le Premier Ministre et un  délégué qu’il aura nommé, et non devant le Judiciaire, de surveiller les méta-communications de tous les Néo-Zélandais, qu’il s’agisse de communications entre eux ou avec l’étranger. Un "mandat" autorisant la poursuite d’une plus ample surveillance pourrait être délivré, non pas par le judiciaire mais par le Premier Ministre ou son délégué, et visant non seulement des particuliers mais également une « catégorie » de personnes en Nouvelle Zélande.
Mais pourquoi s’inquiéterait-on? Nous savons tous que vous êtes un brave type, et que c’est uniquement par souci pour notre sécurité que  vous utiliseriez ces pouvoirs – si par exemple un employé mécontent et ayant des relations islamiques allait demander à son pote de  Al Qaeda  comment faire une bombe dans l’idée de la faire exploser dans le casino. Apres tout, si on n’a rien à se reprocher on n’a rien à craindre, non ?
Franchement, on devrait bien plus s’inquiéter du nombre de dorades qu’il nous est permis de pécher, n’est-ce pas ? [3]
Alors envisagez un instant les conséquences de tels pouvoirs, et comment il pourrait être abusés s’ils venaient à 
Les 'vrais mensonges' de notre premier ministre - Auckland 
tomber entre les mains de quelqu’un qui ne serait pas un brave type. Essayez d’envisager ce qui ce serait passé  si cette loi et notre technologie actuelle avaient existé en 1982[4].   
A cette époque, vous vous en souvenez sans doute, une bonne moitié de la population était vivement indignée de ce que les tournois de rugby avec les Springbok aient lieu, car cette équipe bénéficiait de l’appui du régime d’Apartheid qui était alors en place en Afrique du Sud. Le Premier Ministre de l’époque ayant décidé que ce tournoi devait avoir lieu,  il avait instruit la Police de se montrer ferme avec les manifestants, et pour la première fois en Nouvelle Zélande on assista à de violents affrontements entre les policiers casqués, protégés par leurs boucliers et armés de matraques, et une foule de civils,  dans le but de faire taire les opposants au tournoi. 
De nos jours, avec la technologie qui est à notre disposition, ces manifestations auraient été organisées électroniquement, par le biais de réseaux médiatiques, et s’appuyant sur cette loi que vous proposez la Police aurait évidemment demandé l’aide du GCSB afin de surveiller les communications d’une certaine « catégorie » d’individus comptant à peu près la moitié de la population. Il est fort à parier que Sir Robert [5] n’aurait pas refusé leur requête! 
Et donc moi et tous mes amis, ainsi qu’un autre million de personnes, nous  aurions pu être espionnés jusque chez nous, et avoir tous nos messages scrutés par des fonctionnaires anonymes  dont les actions ne sont redevables à quasiment personne.  
Plus tard il y eu les manifestations contre les bateaux à propulsion nucléaire, contre les essais nucléaires des Français dans le Pacifique, la Guerre du Vietnam, la campagne pour le désarmement nucléaire du début des années 60s….la liste est longue.   
Alors, pourquoi nous inquiéter? Parce que comme vous disiez dans votre discours, en août 2007: “un des piliers de la démocratie est que tous les citoyens sont libres de s’exprimer sur tous les sujets politiques.”  Et vous ajoutiez: “Ca n’est pas seulement un projet de loi mal-rédigé, mal-conçu, pas seulement un mauvais projet de loi, bien qu’assurément il le soit. C’est avant tout un projet de loi dangereux. Dangereux pour nous tous, dangereux pour la démocratie, et dangereux pour la Nouvelle Zélande.
"Nous devrions tirer fierté de notre démocratie et à juste titre. C’est une réussite néo-zélandaise qu’il nous faut célébrer. Bien des pays n’y sont jamais parvenu. Nombres d’entre eux se sont essayé à un régime démocratique, pour le laisser glisser entre leurs doigts. D’autres encore n’en ont jamais eu l’opportunité."
Je vous incite donc à vous souvenir de ces principes nobles et honorables que vous exprimiez  il y a tout juste quelques années, et de reléguer ce projet de loi  à la corbeille à papier, car c’est tout ce qu’il vaut. 
Graham Mandeno, consultant informatique résidant à Auckland.





[1] John Key,  Premier Ministre de la Nouvelle Zélande  (n.d.t)
[2] Government Communications Security Bureau (n.d.t)
[3] Référence faite à un autre projet de loi visant les quotas de pêche et dont le Premier Ministre a déclaré qu’il intéressait plus les Néo-Zélandais que ce projet de loi sur les communications. (n.d.t)
[4] Le tournoi de rugby des Springbok en Nouvelle Zélande et les évènements décrits plus bas se sont déroulés en 1981.(n.d.t)
[5] Robert Muldoon. Ancien Premier Ministre de Nouvelle Zélande, 1975-1984.(n.d.t)

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