Monday 19 September 2011

Traduction de 'Boy', Frank Sargeson.

Traduction du texte 'Boy', de Frank Sargeson, auteur néozélandais. 

Boy

Pour mes douze ans mon père m’avait promis une boite de peintures.
S’il se tient bien, avait ajouté ma mère.
Moi je n’ai rien dit. Au lieu de ça, j’ai reniflé un bon coup, comme je sais faire. C’est que c’était urgent.
Mouche-toi, m’a dit ma mère.
J’ai commencé à compter les jours jusqu'à mon anniversaire, et au train où ça allait c’était sûr que je serais un vieillard avant qu’il arrive, mon anniversaire.
Une semaine avant la date, je me suis qu’il était temps de rappeler la boite de peintures à mon père, au cas où il aurait oublié. Seulement, je ne le lui ai pas rappelé parce que cet après-midi-là, après l’école, j’ai cassé la vitre de la remise derrière la maison. Et ce n’était pas la première fois non plus, mais c’était toujours par accident bien sûr.
Mais la dernière fois c’était il y a presque trop longtemps pour qu’on s’en souvienne. En tout cas c’est ce qu’il me semblait, quoique je croyais vaguement me souvenir qu’on m’avait promis une raclée si je recommençais.  Alors je fus drôlement surpris lorsque tout ce que fit mon père ce fut de me promettre une raclée si je recommençais.
Ça ma vraiment inquiété. Avec tout ça, je me sentais pas de lui rappeler la boite de peintures, mais je me disais que s’il était capable d’oublier une promesse, il était tout aussi capable d’en oublier une autre.

Enfin, les années passèrent, et un beau matin je me suis réveillé et j’avais douze ans. Je ne saurais dire à quel point j’étais heureux. Au petit déjeuner ma mère m’a donné six mouchoirs flambant neufs en me disant qu’à douze ans, un garçon convenable se doit de toujours avoir un mouchoir propre dans sa poche. Et mon père m’a dit qu’il apporterait la boite de peintures ce soir-là, après le travail.
Mais cet après-midi là après l’école je jouais derrière la maison avec ma fronde, et quand j’ai tiré sur une grive  qui était venue se percher sur notre groseillier, vous devinez ce qui c’est passé. Ma main a glissé bien sûr.
Ma mère a entendu le fracas et  elle est apparue à la porte de la cuisine.
Tu sais ce qu’a dit ton père, elle a dit, et elle est rentrée à nouveau.
Quand mon père est rentré j’étais allongé sur le lit dans ma chambre. Je l’ai entendu ranger son vélo dans la remise, puis je les ai entendus parler dans la cuisine, lui et ma mère. Puis ma mère m’a dit de venir à table.
Mon père était assis à sa place habituelle et jetait un coup d’œil au journal avant de couper la viande. Je me suis assis, nous avons mangé, je n’ai rien dit et mes parents n’ont pas beaucoup parlé non plus. Je pouvais voir la boite de peintures enveloppée dans un papier brun, posée sur la machine à coudre.
Quand mon père a terminé son repas il a sorti sa pipe et en montrant du doigt, il m’a dit, tes peintures sont là-haut.
D’abord tu m’aides avec la vaisselle, m’a dit ma mère.
Mais j’ai laissé tomber le torchon dès que j’ai vu mon père allumer une bougie et sortir pour changer le carreau de la fenêtre.
Je vais tenir la bougie papa, j’ai dit. Et voici le couteau à mastic papa, j’ai dit.

Je l’ai beaucoup aidé, je vous assure. Je l’ai aidé jusqu'à ce qu’il me gronde parce que je l’aidais et qu’il me dise de partir et d’aller plutôt aider ma mère.
Plus tard, ce soir- là, j’ai peint une grive en plein vol. Elle avait une expression douloureuse et la moitié de ses plumes volaient. J’ai dit à mes parents que c’était parce que je l’avais descendue avec ma fronde.
Ni l’un ni l’autre ne semblait très impressionné par ma peinture.
Ça fait une demi-heure que tu devrais être couché, m’a dit ma mère.
J’avais envie de lui répondre que ça ne faisait que vingt cinq minutes, mais je me suis dit qu’avec mon père ici il vallait mieux me retenir.  
Mais dès le lendemain, quand mon père m’a entendu répondre à ma mère, qu’est-ce qu’il ne m’a pas passé.