Le parlement a passé la loi sur la surveillance nationale (GCSB) et l’attention se tourne maintenant sur la législation d’interception des compagnies téléphoniques, et son retournement protectionniste.
Traduit de l'anglais. L'article original est paru dans le (New Zealand) National Business Review du 22/8/2013 et est accessible ici: http://www.nbr.co.nz/article/raw-data-third-reading-speech-gcsb-legislation-john-keys-speech-ck-144709
La descente de police bâclée sur la propriété de Kim
Dotcom a mis en évidence l’illégalité de la surveillance interne dans notre
pays. Mais malgré la campagne publique
menée par le géant Allemand, paradoxalement, cette affaire n’aura abouti qu’à
un durcissement de notre législation sur la surveillance.
Le projet de loi GCSB, qui permet au Government
Communications Security Bureau d’épauler les agences internes en espionnant des
citoyens néozélandais, vient en effet d’être accepté.
Le vote de 61 contre 59 voix, comme attendu, a bénéficié
de l’appui du parti National, de John Banks pour Act et de Peter Dunne pour
United Future[1].
Russel Norman, à la tête du Green Party[2], a immédiatement promis
que cette loi serait révoquée si une coalition
Green-Labour prenait le pouvoir l’an prochain.
Maintenant que cette loi est passée, l’attention se
tourne vers un autre projet de loi, qui fait pendant au GCSB :
le Telecommunication (Interception Capability and Security) Bill [3] (TICS).
Lorsque celle-ci est présentée au parlement, les
opposants à cette autre loi sur la surveillance risquent de se retrouver
confrontés à une lassitude grandissante.
Pourtant cette législation présente deux retournements de
situation fort intéressants.
D’abord, une clause permet au Ministre ICT[4] d’exiger des fournisseurs
de service (tels Apple pour iMessage, , Microsoft pour Skype et Google pour
Chat, Talk etc) de faire en sorte que les communications sur leurs services puissent
être interceptées. Apple et Google ont fait des soumissions à l’encontre de
cette législation. Vont-ils renforcer leur opposition lorsque TICS sera présenté
au Parlement – en particulier après la révélation de Vikram Kumar[5] qu’ils seraient également
tenus de laisser accès au GCSB à leur données, tout ordre de le faire devant rester secret? Et serait-il possible
que Apple, Microsoft, Google ou Facebook prennent alors la décision de ne plus offrir leurs services en Nouvelle Zélande?
Deuxièmement, d’après certains ce projet de loi présente un
élément de protectionnisme similaire à celui adopté par le gouvernement des
Etats Unis.
Il a toujours été exigé des sociétés de téléphones que
leurs réseaux puissent être interceptés. Mais TICS va beaucoup plus loin en attribuant
au gouvernement un rôle de décision sur l’amélioration de l’architecture de réseaux,
ainsi que sur le choix des fournisseurs de
matériel nécessaire a ces améliorations.
L’objet de controverse est ici bien évidemment la marque
chinoise Huawei, dont divers membres du congrès des
Etats-Unis ont insinué
qu’elle espionnait pour la Chine. En Australie, Huawei est d’ailleurs exclus du
marché d’offres pour ce qui concerne le National Broadband Network[6].
Huawei on New Zealand Telecom |
Des cyniques ont voulu voir un élément de protectionnisme derrière le
harassement continuel de Huawei par le congrès des Etats-Unis (la société chinoise a réitéré ses demandes
auprès de ses détracteurs de donner des preuves de ce qu’ils avancent). Une
chose est sûre: les compagnies
technologiques des Etats-Unis bénéficient de cette interdiction de fait de
Huawei.
La législation des projets de lois GCSB et TICS offrent
un très grand rapprochement de ce qui se fait aux Etats-Unis. La Nouvelle Zélande
fait partie du réseau Five Eyes (‘Cinq Yeux’); avec des services internet hébergés
par les Etats-Unis, bien peu de communications électroniques restent sur le sol
national, et lorsque Russel Norman lui a
demandé si le GCSB était financé
par les Etats-Unis, John Key[7] a refusé de répondre.
Là où les choses se compliquent c’est que Huawei est déjà
très bien implanté en Nouvelle Zélande, où il est le partenaire réseau
principal de 2degrees et un partenaire de Telecom pour l’amélioration de son réseau
portable 4G. Il a également des contrats avec Vodafone, Chorus, Ultrafast Fibre
et Enable Networks. Plusieurs éléments du déploiement de l’Ultrafast Broadband
(UFB) utilisent fibre et électronique
Huawei ainsi que sa gestion de services.
Avant que la controverse de Kim Dotcom ne voit le jour et
que ces projets de loi ne soient introduits, John Key avaient correctement identifié
que la société Huawei offrait l’option la plus rentable pour le UFB. Et elle l’est effectivement, directement ou en aidant à
rendre les offres plus compétitives.
Et donc, si les Etats-Unis essaient de faire pression sur
la Nouvelle Zélande on court le risque de se trouver dans une position très désagréable.
Il est hors de question pour nos compagnies téléphoniques de payer plus cher leur matériel.
Cependant, à moins que les services tels Google et Microsoft menacent réellement de
couper la Nouvelle Zélande de leurs services, je ne vois pas comment le débat
sur le TICS va progresser (et à mon avis ils ne le feront pas, car ils se
trouveront de plus en plus dans un contexte législatif similaire un peu partout
dans le monde et ne voudront pas créer un précèdent).
Une série de meetings en opposition au projet de loi du
GCSB a mobilisé un nombre impressionnant de personnes, mais généralement les problèmes de droit de protection de la vie privée ne trouvent
pas beaucoup d’écho chez les néozélandais. Beaucoup d’entre eux n’aiment pas l’idée
de la collecte massive de métadonnées, mais seulement vaguement. Pour beaucoup
ce n’est pas quelque chose qui les fera changer leur vote aux prochaines élections. Et une minorité de critiques de droite qui
ont pourtant clairement expliqué leur opposition à la législation du GCSB a
cependant échoué à faire changer les
votes décisifs de John Banks et Peter Dunne. Les chances sont bien minces que
ceux-ci votent contre TICS.
Chris Keall
[1] Coalition de partis formant le gouvernement
actuel, conservateur/néolibéral.
[2] Parti de l’opposition, pour la défense
de l’environnement et la justice sociale.
[3] Capacité
d’Interception des Télécommunications et Sécurité
[4] Technologie de l’Information et de la Communication
[5] PDG de la nouvelle societe de Kim Dotcom, Mega.
[6] Réseau National Large Bande
[7] Premier Ministre néozélandais.
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